Es 42,1-9; Mc 1,9-13

Culte du 17 janvier 2016, à l’église de Vers-chez-les-Blanc et de Vennes (paroisse La Sallaz – Les Croisettes)

Prédication sur Esaïe 42,1-9 et Mc 1,9-13

Voici mon serviteur, tu as dit…

Cela fait – à quelques dizaines d’années près – presque 2’560 ans ! Avec toute vraisemblance, c’est à cette époque que le premier texte que nous avons entendu tout à l’heure a été écrit par le deuxième Esaïe, environ donc 200 ans après la première partie. Ce prophète, qui continue le travail du premier Esaïe, vit et raconte la mort et la résurrection d’Israël ! Dans son texte, le Deutéro-Esaïe (le deuxième), te cite et parle à plusieurs reprises de ton serviteur. Il rédige même trois unités littéraires, que nous, lecteurs, avons appelées les Chants du serviteur.

Aujourd’hui, ça fait un bail que, les uns après les autres, nous nous posons la question :  « en fait, quand tu parles de ton serviteur, de qui parles-tu ? »

Je t’épargne tout ce que nous avons réussi à imaginer – mais je ne te cache pas que, des fois, nous n’aurions pas trop de difficultés à paraître un peu farfelus, tant nos élucubrations peuvent être loufoques.

Ce qui me semble, sur les traces de bien d’autres, est qu’il est plausible que, d’une part, en suivant une lecture plutôt judéenne, tu te réfères à ton peuple, à Israël dans sa globalité ; d’autre part, en suivant cette fois-ci une lecture plutôt chrétienne, tu te réfères à celui qui viendra, 1’550 ans après ces écrits, le mieux répondre à ton rêve. Celui qui a incarné, au début de notre ère, Ta Loi et il nous a annoncé que si l’on voulait vraiment réaliser ton Royaume, eh ben, il fallait que l’on se retrousse les manches et qu’on commence à agir comme des hommes dignes de la confiance que tu nous fais depuis toujours – mine de rien, t’en as de la patience toi !

D’un coup, ce serviteur, que tu reconnais en tant que peuple – Israël à l’époque – n’est pas forcément, ou seulement, une personne donnée, mais il est bel et bien une collectivité. Ne serais-tu pas en train de me dire que c’est l’humanité dans son entier qui est ton serviteur et qui doit donc agir en tant que tel, si nous voulons que ton règne vienne et que ta volonté soit faite ?

Maintenant que tu m’y fais penser, je comprends mieux même le baptême de Jésus, et ce que tu nous dis lors de notre propre baptême ! Au moment où il sort de l’eau, tu lui envoies l’Esprit Saint, qui plane sur lui comme une colombe, et tu l’appelles « mon Fils bien aimé, dans lequel je mets toute ma joie ». Tu le reconnais en tant que ton enfant. Mais, corrige-moi si je me fourvoie, au moment de notre baptême aussi, tu nous reconnais comme tes enfants. Tu nous appelles par notre nom et tu nous déclares ton amour inconditionnel. Donc, nous sommes toutes et tous tes enfants, frères et sœurs en Christ… et du Christ. Alors, à moins que tu ne fasses une distinction entre enfants et… enfants – comme si tu avais des enfants d’un premier mariage et des beaux-enfants d’un deuxième auxquels tu ne reconnaîtrais pas les même privilèges, mais envers desquels tu n’aurais pas non plus les mêmes exigences ! – , nous avons tous, sans exception, à t’honorer, comme on honore le père et la mère, et nous avons tous, sans exception, à travailler pour le bien commun. Certes, nous pouvons, nous devons nous inspirer de notre « frère aîné » Jésus-Christ (et de quelques autres frères et sœurs, plus ou moins connus, qui au cours des siècles ont été, sont, un signe du Royaume). Mais nous ne pouvons pas nous attendre que tout soit réalisé par lui seul ou par quelqu’un d’autre, pendant que nous restons à regarder, les bras croisés. Tout comme lui, nous sommes tes serviteurs et sommes totalement responsables de la réalisation ou de l’échec de ton projet ! D’autre part, je doute aussi fortement que tu aies pensé, le temps d’un instant, qu’une seule personne, quelle qu’elle soit, toute seule, puisse, d’un coup de baguette magique, changer le monde et formater les êtres. Si telle était ta volonté, tu n’aurais pas eu besoin de laisser envoyer au bûcher des tas de gens. Tu pourrais remodeler tes poupées et mieux les adapter à tes plans. Mais quel sens tout cela aurait-il ?

Tu nous as fait humains, par conséquent libres de choisir de participer ou non à ton Royaume. Chacun d’entre nous, tes enfants, avons subi ou avons à subir, à un moment ou l’autre de notre vie, les tentations dans le désert, là où nous ne dépendons que de nous-mêmes et de ton amour. Tout comme ton Fils bien aimé, Jésus Christ, nous sommes invités à choisir. Et nous le sommes, chacun et chacune, chaque jour de notre vie. Car Ton Royaume se vit, se créé et se… tue au quotidien. Il n’est pas donné, il n’est pas acquis pour toujours. Il n’est pas exclu que nous arrivions, plus ou moins consciemment, par moment, à le voir, à le côtoyer. Il n’est pas exclu que, de temps à autre, nous soyons capable d’offrir ce sentiment de Royaume, plus ou moins largement, aux gens autour du nous. Mais ce sentiment ne dure que le temps que nous sommes capables de le faire durer. Et généralement, ça ne fait pas long feu… Un sourire offert, un geste désintéressé, une attention à l’autre, l’échange d’un regard, l’établissement d’une relation, un signe de dévouement, une pensée bienveillante… tout est à renouveler sans cesse. Et seulement lorsque l’entier de l’humanité, à un moment donné, d’une façon synchrone, arrivera à entrer et à faire entrer son prochain dans cet amour, dont Jésus Christ a été le témoin privilégié, inégalé, on sera véritablement dans le Royaume. Mais si l’on ne persévère pas, si l’on ne se contente que de l’une ou l’autre bonne action isolée, extraordinaire, épisodique… nous ne pourrons qu’y goûter par bribes et morceaux.

Seigneur, il t’a plu de nous choisir comme tes enfants, il t’a plu de mettre ta joie en nous, tes serviteurs. Ce faisant, Tu nous offres la Vie et Tu nous demandes de t’accepter comme père, de t’honorer et de t’aider à construire un monde basé sur le respect, l’amour, la paix. Je me rends compte que ce n’est pas toujours facile de choisir et d’agir pour que ce monde existe ! Il ne m’est pas toujours aisé de me ployer, sans avoir le sentiment de me briser, de faiblir, sans avoir crainte de m’éteindre. Avec notre frère Jésus Christ, tu nous as montré que tout cela est possible, car Tu le rends possible. Mais dans le feu de l’action, il m’arrive d’oublier que tu es là et que je peux te faire confiance. Non d’une façon béate, naïve ! Non en espérant que tu œuvres à ma place ! Plutôt en puisant dans ton Amour pour moi, pour tes enfants, pour tes serviteurs. Et en me disant qu’avoir été appelé à la réalisation de ton projet, ambitieux, laisse-le moi te l’avouer, est un privilège.

Amen

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