Es 29,15-20; 24; Mt 12,22-32

Prédication sur Esaïe 29,15-20; 24; Matthieu 12,22-32

« Quel malheur pour ceux qui se terrent loin du Seigneur afin de cacher leurs projets ! Leurs œuvres se font dans les ténèbres, et ils disent : Qui nous voit ? Qui nous connaît ? »

En entendant le premier Esaïe parler de la sorte des gouvernants de Jérusalem, gouvernants apparemment sourds et aveugles, convaincus de tramer dans l’ombre, en cachette, dans les profondeurs pour échapper à Ton regard… je me suis posé pas mal de questions !

A ce moment-là, agissant de cette manière, sont-ils conscients de qui Tu es ? Savent-ils que Ton visage est partout, que Tes oreilles sont partout, que Tu es omniprésent et omniscient ?

Et lorsqu’ils se prennent pour Toi ; lorsqu’ils se croient le potier, tout en étant les pots, ont-ils intégré que même lorsqu’ils pensent être restés seuls, avoir été abandonnés, ou avoir été orphelins, car ils ne T’ont pas reconnu, ou qu’ils T’ont tout simplement oublié, Tu ne les as en réalité pas lâchés d’une semelle ?

D’emblée, j’ai pensé au jeu que je fais régulièrement, depuis quelques semaines, avec notre petit dernier, Luca : Coucou-caché ! Tu vois de quoi je parle ? Généralement, ce jeu met en relation un adulte (l’un des parents, la plupart du temps) et un enfant (son propre enfant). L’adulte cache son visage dans ses mains, puis il les retire en disant coucou !

Combien d’entre nous l’ont fait. Combien d’entre nous le font. Et combien d’entre nous, tout en le faisant, pensent que c’est juste un moyen pour faire sourire, voir rigoler, notre enfant.

Pourtant, selon le biologiste, psychologue, logicien et épistémologue neuchâtelois Jean Piaget, il s’agit là d’un outil essentiel pour l’acquisition de la notion de permanence de l’objet. Dans le cas spécifique, « par objet, on entend ce qui n’est pas le sujet, ce qui est autre que soi. » L’« objet » reste donc présent psychiquement, alors qu’il peut être absent physiquement. Cette permanence de l’objet se construit petit à petit et se met véritablement en place, lorsque l’enfant a environ 18 mois. Le coucou/caché lui permet ainsi de faire l’expérience « je ne te vois pas, mais je sais que tu » existes !

Alors, je me pose une autre question…

Est-ce que les gouvernants de Jérusalem, les pharisiens qui apostrophent Ton fils Jésus dans le récit de Mathieu – l’accusant de faire des guérisons grâce aux pouvoirs de Béelzéboul, de Satan -, les méchants, les dictateurs, les profiteurs, les terroristes, celles et ceux qui se croient seuls et tout-puissants, n’auraient-ils pas encore assimilé la permanence de ta présence ? Ou n’aurais-Tu pas assez joué au coucou/caché avec eux ? Ou, encore, auraient-ils été incapables de Te reconnaitre, derrière Tes moult apparences, Tes nombreux visages, et auraient donc eu de la peine à ce que Ta présence demeure en eux, même lorsque Tu es ailleurs ? Mais, au fond, cela ne nous arrive-t-il pas parfois, à toutes et tous ?

Entre le sourire et le rire, il y a une histoire qui m’est revenue à l’esprit, lorsque j’ai lisais les textes pour ce dimanche. Tu dois la connaître, car Tu en es l’un des protagonistes. Elle a été plusieurs fois revisitée… une fois il s’agit d’un homme très croyant, une fois d’un fermier, une fois d’un curé, et j’en passe. Prenons alors celle qui parle du religieux :

Un curé est en train de se noyer au milieu d’un fleuve. Par chance, passe une péniche qui lui envoie une corde : « Accrochez-vous, mon père! » lui lance le batelier. Le curé répond « je vous remercie mon fils, mais je fais confiance à Dieu pour me sauver ».

Le curé est toujours en train de se débattre avec sa soutane lorsqu’un passant en voiture lui jette une bouée de la berge : « Accrochez-vous, mon père ! », lui lance le passant. Le curé répond « je vous remercie mon fils, mais je fais confiance à Dieu pour me sauver. » Le curé commence à boire la tasse et à s’enfoncer dans l’eau lorsqu’un hélicoptère arrive et lui envoie une corde « Vite, accrochez-vous, mon père! » Le curé répond entre deux tasses « je vous remercie (bloub) mon, fils, mais je fais (bloub) confiance à Dieu pour me (bloub) sauver. » Puis, le curé se noie…

Arrivé au paradis, il paraît que le curé Te rencontre, et Te dit : « Dis-donc Dieu, Tu m’as bien laissé tomber tout à l’heure! Moi qui ai passé ma vie à parler de Toi et à répandre la Bonne Nouvelle »

« Comment ça? » lui aurais-Tu répondu « en premier, pour te sauver, je t’ai envoyé une péniche, ensuite une voiture et pour finir un hélicoptère! Et tu n’as rien vu et rien fait pour que mes efforts servent à quelque chose ! »

Le religieux, trop pris par la seule image qu’il s’était faite de Toi, est chaque fois passé à côté de Ton aide, en restant aveugle, en dépit des signes que Tu lui as donné.

A combien d’occasions, j’ai agi de la même façon ? Combien des fois je n’ai pas pris garde à tout ce que Tu essayais de me montrer ? Combien de fois j’ai véritablement pris la mesure que des bribes de Royaume étaient déjà là, autour de moi ? Combien de fois, je ne T’ai pas reconnu dans le visage de tel ou tel être, de telle ou telle action ?

En disant cela, je ne veux pas créer un parallèle avec les pharisiens qui n’avaient pas reconnu que l’Esprit saint était à l’œuvre en ton Fils, Jésus Christ. Ils avaient plusieurs éléments devant les yeux pour bien s’en douter. En même temps, ils étaient fort probablement comme les hommes réprimandés par Esaïe ! Pas fortiches au jeu Coucou/caché, pas à l’aise avec la notion de permanence de l’objet et un poil imbus d’eux-mêmes, donc convaincus d’être plutôt des potiers… que des pots !

De toute évidence, les choses ne sont pas si simples qu’on pourrait l’imaginer. Depuis toujours, Tu t’efforces de nous indiquer le chemin, de nous venir en aide, de nous porter sur Tes épaules – lorsque nous n’avons pas assez de jus -, de Te montrer dans les yeux et sous la forme de différents humains, de jouer à Coucou/caché avec nous. Pourtant, depuis toujours, plusieurs d’entre nous peinent à Te reconnaitre.

Serait-ce parce que nous partons de l’idée que Tu n’as qu’une image et lorsque nous ne la voyons pas nous en déduisons que Tu n’es pas là, tels des aveugles ?

Dans mon cheminement, j’ai appris à Te voir, le jour où Tu as enlevé le voile que j’avais devant les yeux, la cire que j’avais dans les oreilles et me suis ainsi rendu compte que Tu jouais tous les jours avec moi à Coucou/caché, parce que, en citant les paroles de la chanson « Je cherche ton visage » du groupe « Les prêtres », Tu m’as montré que :

« …elle a été assassinée dans les chambres à gaz ! C’est le CHRIST.

Il porte des génisses ! C’est le CHRIST.

Elle est en prison ! Il est immigré ! Elle agonise sur son lit de souffrance ! C’est le CHRIST.

Il est sale, il sent mauvais, il mendie ! Elle se drogue ! C’est le CHRIST.

Il est battu à mort ! Elle a faim, il a soif ! Il est condamné à mort ! Elle se prostitue ! C’est le CHRIST.

Il a été torturé ! Il est homosexuel, sa famille l’a chassé ! Elle est séropositive ! C’est le CHRIST.

Il hurle la colère de ses pourquoi ! Elle a tenté de se suicider ! C’est le CHRIST.

Je cherche Ton visage SEIGNEUR, ne me cache pas ton visage. Seigneur comment Te reconnaître sous le visage défiguré de chacune des personnes malmenées méprisées cassées. Tu as donné Ta vie pour elles, avec Toi l’amour est écartelé sur la croix, mais nous ne voyons plus Tes membres transpercés sur deux bouts de bois, aveuglés que nous sommes par l’habitude de la croix. Ton chemin et celui de tout homme, chemin de croix, chemin de mort, il peut devenir chemin de Vie. Mettre ses pas dans Tes pas sur ce chemin de souffrance c’est se laisser entraîner vers la lumière de la résurrection, où l’amour crucifié devient Amour transfiguré.[1] »

 

Amen

[1] Les prêtres, Je cherche ton visage : texte de la chanson, avec quelques coupures.

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