Es 51,12-16 ; 2 Cor 4,3-11 ; Mc 4,35-41

Culte du 28 juin 2015, à l’église de Vennes (paroisse La Sallaz-Les Croisettes)

Prédication sur Esaïe 51,12-16 ; 2 Cor 4,3-11 ; Mc 4,35-41

Nous avons tous entendu les trois lectures que nous propose, pour aujourd’hui, le lectionnaire.

Elles parlent de confiance, d’espérance, de foi… En qui ? en quoi ?
Elles parlent de mission… auprès de qui, pour faire quoi ?

Notre Père, tu le sais, ce n’est pas toujours facile de lâcher prise et de faire abstraction du réel, de notre réel.

Tu nous demandes de ne pas avoir peur des hommes, car ils sont comme nous. Et ils meurent… comme l’herbe ! T’as sûrement raison. Pourtant, lorsque l’un de mes semblables se présente devant moi, armé jusqu’aux dents, et qu’il extermine tous mes proches, au nom de Dieu, de ce même Dieu – car, rassure-moi, j’ai bien compris, t’es unique, non ?! Ce même Dieu, disais-je, qui dit avoir mis ses paroles dans ma bouche et me protéger sous l’ombre de sa main…

Comment sortir, confiant, de mon cachot, où je me suis tapi pour ne pas tomber sous les coups de l’oppresseur ?! Montre-moi !

Comment ne pas avoir peur et jouer à l’autruche ?! Donne-moi des pistes !

Tu nous rappelles que toi seul nous consoleras… j’entends.

Mais mince, lorsque cette mort frappe à la porte, à ma porte, à notre porte, avec une telle violence, tu admettras que ce n’est pas si simple de se remettre béatement à ta consolation.

Tu veux que j’en fasse quoi, au quotidien ?!

Comment continuer à vivre et à me dire rempli de tes Paroles, sous ta protection, homme de ton peuple ?!

Dans la figure de ton Fils, tu nous as montré comment porter soi-même la croix sur laquelle on sera sacrifié. Nous nous le redisons sans arrêt, nous nous le rappelons quotidiennement. D’une certaine façon, nous le voyons revivre chaque jour, autour de nous, dans les images que nous renvoient ces milliers d’hommes et de femmes déchiquetés – tels les chrétiens d’Orient – car ils témoignent des Paroles que tu as mises dans nos bouches.

Comme en Esaïe, nous demandes-tu de rester là, immobiles, amorphes, dans l’attente que tu résolves tout ?

Ou feras-tu en sorte que l’homme, par miracle, d’un jour à l’autre se transforme et devienne intimement et intrinsèquement bon ? Frères en humanité… !!!

Je ne le crois pas. Tu nous as voulus intelligents, responsables, dotés d’esprit. Tu nous as montré le chemin. Tu fais briller dans les ténèbres la lumière qui seule peut nous aider à choisir les voies qui mènent à la réalisation de tes rêves.

Mais, à côté de cette lumière, il y a plein de catadioptres, de réflecteurs, lesquels souvent polluent la source – attirants nos regards – et nous fourvoient. Aujourd’hui, dans notre société, ta lumière devient de plus en plus difficile à apercevoir, tant il y a de rayons qui partent de partout. Celui qui sépare – le dieu, les dieux de ce monde : l’argent, la soif de pouvoir, les paillettes et les frou-frou, l’égoïsme crasse, et j’en passe… –, le diviseur, disais-je, nous empêche souvent de distinguer la vraie lumière de ses reflets. Nous nous retrouvons alors à concentrer notre attention sur nous-mêmes, à oublier que la Parole qui libère et qui est porteuse d’espérance est une Parole d’Amour, de partage, de paix, de valorisation de la création. Nous oublions alors que nous sommes appelés à nous réaliser en tant que véritables êtres humains, à passer du stade d’animal en survie, à celui d’être créé à ton image, à l’image de Dieu.

C’est ton rêve : de nous voir nous réaliser. Mais tu nous laisses libres de l’assouvir, ou pas. Tu nous as ainsi donné plein d’outils pour discerner, dévoiler et annoncer ta Parole. Mais nous pouvons choisir de ne pas les utiliser et continuer à bricoler avec une ribambelle de trucs inadéquats, en nous affairant inefficacement. Nous pouvons choisir de nous croire, nous voire invincibles. Nous pouvons imaginer de ne plus avoir besoin de toi, de crier « Dieu est mort » – comme disent certains, en faisant référence au fait que, à notre époque, l’homme a tellement progressé qu’il n’a plus besoin de se référer à des mythes fondateurs qui sont assimilés à des contes de fée.

Pourtant, le pouvoir et la puissance que tu nous as donnés, tu les as mis dans des enveloppes fragiles, dans des vases d’argile. Nous avons beau repousser les limites de notre vie, mais la finitude est notre destinée. Et notre mission, celle que tu nous confies depuis les siècles des siècles, est de mettre tout en œuvre pour faire de cette terre, aujourd’hui même, un paradis ! De faire de notre monde, à chaque instant, le Royaume, ton Royaume !

Tu nous demandes donc d’agir, de sortir, d’aller vers l’autre. Vers cet autre qui peut nous faire peur. Cet autre sous l’emprise des dieux de ce monde. Cet autre qui vit dans les ténèbres du nombrilisme, du sur-moi, du moi-moi-moi. Cet autre qui pour exister opprime, écrase, extermine. Cet autre qui peut nous ressembler étrangement !

Encore une fois, tu nous donnes le choix. Tétanisé par l’incompréhension et la peur, je peux fermer les yeux face aux désemparés, persécutés, abattus. Je peux faire semblant de ne pas avoir compris que Dieu m’a confié une mission. Je peux me retrouver, passivement, embarqué dans une aventure que je ne voulais pas, que je ne cherchais pas, appelé à aller me confronter à la différence, à mes Géraséniens, de l’autre côté de mon lac Tibériade… A quitter des rives paisibles, desquelles je connais chaque grain de sable, pour me confronter à des plages éloignées. Avec l’angoisse qui monte. En perdant tout espoir.

D’un coup, je me vois sur un voilier, au milieu d’une mer déchaînée, sous un violent orage. L’eau sens dessus dessous qui ruisselle sur mon visage, qui s’abat avec fracas sur la coque. L’horizon est à porté de main, tant la visibilité est nulle. Autour de moi, une seule couleur : gris plomb.

Peu importe le nombre de fois que j’ai déjà affronté cela. Chaque fois c’est la même chose, chaque fois c’est différent. Et je suis confronté à l’inconnu.

Que faire ?

Tu me demandes d’avoir foi ! J’attends, donc ? Je prie et regarde ce qui se passe ? Je viens te réveiller pour m’enlever les marrons du feu, pour calmer mes tempêtes ?

Si j’ai bien compris, tu me demandes d’avoir confiance ! Mais pas seulement en toi ! Aussi en moi… et en l’autre. Tu me demandes d’assumer une partie du job, avec les outils que tu as mis à ma disposition, avec les charismes dont tu m’as dotés, avec les compétences que j’ai acquises. Toi et l’autre, vous en assumerez une autre partie. Alors, si j’ai la chance d’être assez éloigné des rochers, je peux réduire la voilure, arrimer l’arrimable, dégager le pont, laisser le bateau dériver (en le freinant un peu, si possible, en laissant trainer des longs cordages à l’arrière), puis aller retrouver mon souffle, me reposer à l’intérieur, dans le carré, en faisant confiance. Je sais que ma présence alors sur le pont ne sert plus strictement à rien et que j’ai tout intérêt à être en forme quand la situation, petit à petit, va rentrer dans l’ordre. Et, à ce moment-là, je devrai reprendre le gouvernail. J’ai une mission et me dois de la réaliser avec responsabilité : je dois amener à bon port tout l’équipage et le bateau. J’ai assumé jusque-là, j’ai fait ce qu’il fallait faire. Maintenant, je dois me tenir prêt à reprendre la route, dès que possible.

Amen

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