Charité, charité

Drôle de monde que le nôtre ! Depuis la nuit des temps, tout est soumis à l’implacable loi de l’effet de mode. Tout. Alors bienvenue à l’époque du caritatif à gogo. Après les patrons d’industrie, paternalistes sur les bords, de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, aujourd’hui ce sont les compagnies d’aviation, les banques et les industries qui jouent la carte de la solidarité, de l’engagement social, de l’aide aux pays en voie de développement, aux victimes de maladies incurables et des guerres.

 Il y a quelques semaines, de retour de voyage, plus ou moins confortablement assis sur un siège d’avion, j’entends les haut-parleurs annoncer une récolte de dons au profit d’un projet en Afrique ! Ai-je bien entendu ? Me serais-je endormi et serais-je en train de rêver ? Nenni… Sur cet avion, je peux tout acheter, en bonne conscience. Juste après les sandwichs, les bouteilles de whisky et les cartouches de cigarettes, on m’offre la possibilité de venir en aide à ceux qui sont dans le besoin. Je pars en vacances, je pollue, mais je me rachète, enfin, car je paie ma taxe environnementale et je donne. Ouf, merci Seigneur… pardon, merci Monsieur X de me permettre d’être si bon. Je quitte le tarmac avec un sentiment bizarre. De retour chez moi, comme je devais changer de lunettes, je rends visite à mon opticien. « Vous avez fait le bon choix, m’assure-t-il. Avec nous, vous savez que vous participez à des actions humanitaires en faveur de populations défavorisées, des bilans visuels et des distributions de lunettes. » Quand j’ai réglé la facture, j’ai vu qu’il s’agissait d’un trend. Ma banque annonçait fièrement qu’elle était partenaire de la Croix-Rouge, dont elle soutient les missions. Aurais-je loupé une case ? Je connaissais les troncs à l’église. Je connaissais la Chaîne du Bonheur et différentes associations. Même certaines ONG. Mais depuis quand le monde de l’industrie et celui des services jouent-ils aux bienfaiteurs ? Je devrais être content de cet engagement, mais ça sent la récupération et je n’aime pas trop cela. J’ai su que j’avais perdu la bataille quand, lors d’une soirée entre amis, une femme a lancé en riant : « Que dites-vous de mes nouveaux produits de beauté ? Ils sont bien un peu chers, mais imaginez, non seulement ils sont bio, mais à l’achat de chaque tube, j’aide un orphelinat en Roumanie…»

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